— Veux-tu m’épouser ?

Cela fait déjà plus de six ans que nous sommes en couple. Deux enfants adorables, un garçon de trois ans et une fille de six mois, égayent notre quotidien. Il me semble que c’est le bon moment pour s’engager. Le silence, qui suit ma question, s’étire. Dans le noir de la chambre, alors que le radio-réveil affiche une heure tardive, je finis par me demander si j’ai bien formulé ma requête à voix haute. Les battements de mon cœur me rappellent pourtant cette audace un peu folle que j’ai entreprise quelques secondes auparavant. J’aligne, une à une, toutes les raisons justifiant ce mutisme qui s’éternise. S’est-il endormi soudainement ? Trop rapidement pour un couche-tard comme lui, contre-argumentè-je mentalement. Peut-être aurait-il préféré garder l’initiative ? De l’ego mal placé ou une surprise prévue plus tard ? Les questions tournent en boucle, sans explication satisfaisante. Sa voix tranche nette l’attente devenue insoutenable.

— Oh, putain merde ! Il faut que je réponde…

Oh, putain, merde ! Ce n’était pas vraiment la réponse que j’espérais…

***

En désespoir de cause, j’ai évoqué les arguments ultimes et imparables : une maison achetée ensemble, des enfants, les frais de succession et les ennuis administratifs pour le survivant. J’ai misé sur la corde sensible en rappelant que les deux grands-mères qui nous restaient, étaient loin d’être éternelles….

Il a fini par me dire oui. À ma cinquième demande… Je l’ai eu à l’usure.

Aujourd’hui, quand j’y repense, je crois que, ce jour-là, il aurait été préférable qu’il m’éconduise une fois de plus.