CONTEXTE
Cette nouvelle a été écrite dans le cadre du Prix Henry Jacques Le Même 2023 (6ème édition). Il s’agit d’un concours d’écriture organisé par la société française des architectes.
Les contraintes imposées : Un texte qui propose une compréhension et une perception fine d’un lieu d’architecture. Le genre littéraire était libre, mais le propos devait s’appuyer sur un bâtiment construit, avec un maximum de 20.000 signes (espaces comprises). La nouvelle pouvait être illustrée de photos ou dessins.
Les voies de Dieu
Pour la passeuse d’âmes que je suis, visiter une église en toute quiétude relève du miracle. Comprenant que je pouvais les voir et les entendre, j’attirais, malgré moi, toutes sortes d’entités partagées entre la colère, l’incompréhension ou la tristesse selon leur existence passée.
J’étais étudiante, en vacances en Sicile, quand je découvris cette aptitude particulière pour la première fois. Le hasard avait guidé mes pas jusqu’à un édifice religieux inscrit au patrimoine de l’UNESCO : la cathédrale Santa Maria Nuova de Monreale…
La façade était un curieux mélange de genres et suscitait en moi des émotions diverses. Les deux tours, de style normand, encadrant le bâtiment, étaient massives, voire austères. Cependant, les murs en pierre, épurés de toute décoration, apportaient de la stabilité à l’ouvrage et me procuraient un sentiment de sécurité. Des arcs entrelacés, en calcaire et en lave, entouraient une fenêtre haute et simulaient une danse joyeuse, comme pour honorer l’essence de l’existence et le mouvement. Mon regard fut ensuite attiré par le porche néo-classique qui dénotait totalement avec le reste de l’architecture. En passant dessous, je ressentis un malaise inexplicable.
La porte en bronze, de Bonanno Pisano, reproduisant des scènes de l’Ancien et du Nouveau Testament, était magnifique. Je m’attardai un long moment sur les nombreux détails des différents tableaux de vie représentés et, plus particulièrement, l’histoire d’Adam et Eve. Au sommet, deux panneaux glorifiaient le Christ et Marie. Je fis appel à leur protection avant de franchir le vantail.
J’accueillis avec soulagement la fraicheur qui régnait à l’intérieur. Une fois mes yeux habitués à la pénombre, je restai figée de stupeur et d’émerveillement devant l’art byzantin. Les parois de la cathédrale étaient recouvertes de mosaïques dorées. De chaque côté de la nef, des fresques arboraient un extrait de la Bible, comme une bande dessinée murale.
Alors que je marchai vers la gigantesque figure du Messie, présente dans l’abside médiane, j’entendis une femme pleurer. Je la cherchai du regard parmi les touristes déambulant, mais je ne vis personne en larmes. Me fiant à mon oreille, j’avançai en direction du bruit. Mon intuition me soufflait qu’elle était toute proche. Un frisson glacé me parcourut et je ressentis une profonde tristesse m’envahir. La masse d’air devant moi ondula et troubla une partie de mon champ de vision. C’est ainsi que je perçus une entité féminine pour la première fois. Curieuse plus qu’effrayée, je m’interrogeai sur ce qui la rendait si nostalgique. Comme si elle avait soudainement compris que je pouvais l’entendre, elle cessa de sangloter. À ma grande surprise, elle s’adressa mentalement à moi.
— Je pensais qu’il m’aimait…
— De qui parle-t-elle, me demandai-je tout en sentant ma gorge se serrer de chagrin.
— Fabricien. C’était un homme doté d’un incroyable talent.
A priori, ce que j’éprouvais physiquement et émotionnellement ne m’appartenait pas réellement. C’était comme une superposition de ce que ressentait cette femme sur mon propre vécu intérieur. Ce constat allégea en partie la lourdeur qui m’oppressait. Pour vérifier l’hypothèse de la transmission de pensées, je poursuivis les échanges mentalement :
— Que s’est-il passé ?
— J’étais une parente de Guillaume II de Hauteville, roi normand de Sicile. Il me raconta un jour, alors qu’il faisait une sieste sous un caroubier, que la Vierge Marie lui était apparue en rêve et lui avait suggéré de bâtir un édifice en son honneur. Sur son conseil, il abattit l’arbre auprès duquel il se reposait et trouva un immense trésor qui lui permit de financer la construction. J’eus la chance de rencontrer l’architecte responsable du projet au cours d’un dîner. Nous discutâmes de longues heures et il finit par avouer que ma conversation le stimulait et l’inspirait. Il me proposa de le rejoindre sur le chantier chaque fois que je le souhaiterais. Je le pris au mot, pour échapper à l’inactivité imposée aux femmes de la cour. Au fil du temps, il devint un ami et un protecteur, attentif à mes moindres recommandations qu’il s’empressait de relayer auprès des ouvriers.
— Lesquels de vos conseils a-t-il suivis ?
— Je lui ai suggéré, par exemple, qu’un mélange des cultures, normande, arabe et byzantine, présentes sur l’île, renforcerait la symbolique de l’unité que constituait la Trinité. Il a tout de suite adhéré et a convoqué les meilleurs artisans de chaque discipline ! Quand il a voulu ajouter des statues pour encadrer l’entrée, je lui ai rappelé que pour découvrir la richesse manifeste en chacun de nous, nous devions dépasser les apparences de « façade » en restant humbles et pousser la porte qui mène à Dieu. Quelques siècles plus tard, des imbéciles ont fait construire un porche dans le seul but de valoriser leur ego, mais ce faisant, ils vous ont coupé des énergies spirituelles, siffla-t-elle dédaigneuse.
Cela expliquait sûrement mon mal-être, juste avant de pénétrer dans l’édifice. Elle poursuivit sur sa lancée :
— À l’origine, il voulait placer un immense crucifix dans l’abside centrale. Je me souviens l’avoir regardé et lui avoir rétorqué choquée : « Croyez-vous que Marie, à qui ce lieu est censé rendre hommage, souhaiterait que son Enfant soit représenté ainsi ? N’aspirerait-elle pas, au contraire, à ce que nous rendions justice à celui qui n’est qu’Amour et bonté ? Et dans ce cas, que diriez-vous de créer un portrait du Christ, les bras ouverts, prêt à nous accueillir en son sein, bénissant tous ceux qui pénétreront dans cette cathédrale ? » Il avait acquiescé : « Vous avez raison, très chère, et pour accentuer cela, le fils de Dieu ayant un cœur d’or, je vais ordonner que les arrière-plans des fresques aient tous des mosaïques qui le soient également. »
— Ce lieu ne serait donc pas le même sans vous…
— Qui sait ? Tout ce que je lui suggérais était guidé par les sentiments que j’éprouvais pour un autre homme.
— Est-ce à lui que vous faisiez référence tout à l’heure ?
— En effet. Nous n’étions pas du même milieu, mais j’étais prête à partager son quotidien, quel qu’il soit, s’il me l’avait demandé. Pour l’inciter à se déclarer, je lui ai dit de suivre la voix de Dieu, afin qu’il écoute les élans de son cœur et non sa raison. Il faut croire que je m’étais fourvoyée sur ce qu’il éprouvait, car par la suite, il s’est investi corps et âme dans son travail pour embellir les édifices religieux. Par dépit, j’ai fini par épouser l’architecte. Il fut un compagnon profondément respectueux et qui, à sa façon, a su me rendre heureuse. Mais je n’ai jamais oublié Fabricien…
Un long silence s’ensuivit. Il me sembla qu’elle s’était éloignée, ne ressentant plus la tristesse ni le froid qui m’avaient étreinte en la côtoyant. Je décidai de continuer ma visite. Une porte sur l’aile latérale droite s’ouvrait sur le Cloître des Bénédictins. D’après les commentaires de la personne qui faisait office de guide, cet espace était un carré parfait de quarante-sept mètres de long, constitué de vingt-six paires de colonnes en marbre blanc sur chaque orientation. Aux angles, quatre colonnettes supplémentaires assuraient une meilleure portée de l’ensemble. Chacun des deux-cent-vingt-huit piliers géminés était orné de mosaïques et de pierres précieuses dans une variété de formes et de couleurs alternant une décoration lisse, torsadée ou crénelée.
Au-dessus des chapiteaux, pour la plupart d’ordre corinthien ou composite, reposaient des arcs en ogive, couronnés de décorations extérieures figurant des dessins géométriques en lave et calcaire. Le guide insista sur les bas-reliefs et la richesse de leurs thématiques associées à l’Ancien et au Nouveau Testament, et notamment l’histoire d’Adam et Eve.
— Il oublie l’essentiel ! soupira un homme légèrement énervé.
J’éprouvai de nouveau un frisson. Le groupe s’étant éloigné, je me retournai étonnée et agacée. L’air semblait plus dense. Je supposai que j’avais devant moi une entité masculine, au vu de sa forme générale. C’était sa contrariété que je ressentais. Cette visite me réservait des surprises à bien des égards et j’eus la certitude que les explications qui allaient suivre seraient véritablement passionnantes.
— Il s’imagine que ce ne sont que des épisodes issus de la Bible ou de simples représentations du monde naturel. C’est bien plus que cela… murmura-t-il dépité.
Je l’invitai à m’en dire plus sur le sujet. Il reprit :
— L’architecte nous le rappelait quotidiennement. Il nous répétait sans cesse qu’un message spirituel n’est rien, s’il n’est pas expérimenté dans la matière. Nous avions donc pour consigne de façonner les scènes en nous inspirant de notre propre vécu. C’était la première fois qu’un maître d’œuvre nous faisait autant confiance.
Il me mena jusqu’au cinquième pilier de l’aile nord.
— Voici le chapiteau à nœuds. C’est un symbole de puissance, mais aussi l’union de deux êtres, comme peuvent l’être les liens du mariage, avec leurs bonheurs et leurs malheurs. Celui juste à côté devait représenter un adversaire de Dieu. Le dragon de l’apocalypse est l’archétype du péché mortel. La plupart des hommes ont en tête le serpent qui vient appâter Eve avec la pomme de la connaissance. J’ai choisi de lui donner une forme reptilienne pour rappeler que nul n’est à l’abri de la tentation. L’envie, qui n’est pas alimentée par un cœur pur, nous détourne de Dieu.
Il m’entraina de nouveau dans son sillage jusqu’à la onzième colonne et pointa un détail :
— Le guide vous dira qu’il n’y a que des décorations de feuilles de chêne mues par le vent et un nid d’abeilles. Il élude volontairement le fait que le miel désigne la douceur, celle-là même qui nous est transmise par la Vierge. Et ici, dit-il en me montrant le seizième chapiteau, si nous avons sculpté l’acanthe, c’est parce que cette plante est comme le phénix : elle disparaît pour renaître immédiatement. Elle représente l’existence, immortelle au-delà des enveloppes corporelles, tout comme l’Amour que nous accorde notre Sainte Mère de Dieu. La couleur de sa verdure est alliée à la virginité et à la foi. Tout cela est entièrement dédié à Marie.
— Vous êtes une personne extrêmement pieuse, constatai-je.
— J’ai essayé toute ma vie de me faire pardonner mes fautes et mes péchés. Je ne crois pas avoir réussi, sinon, pourquoi le Grand Architecte me laisserait-Il encore errer seul entre ces murs ? gémit-il doucement.
— Peut-être souhaite-t-Il que vous délivriez les messages inscrits dans la pierre à ceux qui sont prêts à les entendre ?
Un élan de joie me traversa et je sus que je lui avais redonné une raison d’être. Il continuait à se mouvoir et je le suivis avec plaisir. Nous nous arrêtâmes dans l’angle sud-ouest où se trouvait un petit cloître carré débordant sur le jardin central. Il abritait une magnifique fontaine mauresque en marbre, délimitée par trois arcs de chaque côté. Le guide terminait ses explications :
— Pour répondre à votre question, Fontana del Re, en italien, signifie Fontaine du roi, en l’occurrence Guillaume II. Elle avait une grande utilité puisqu’elle permettait aux frères bénédictins de se laver avant qu’ils ne rentrent au réfectoire. Certains avancent l’hypothèse qu’il s’agissait du Baptistère de l’Église Médiévale en se basant notamment sur la forme octogonale à son fondement. L’octava dies, qui se traduit par le huitième jour, est celui où Jésus est ressuscité après une semaine passée dans un autre espace-temps. C’est une symbolique forte qui fait référence au baptême, rite initiatique où le croyant évolue, de la mort du péché, à une nouvelle vie dans le Christ. Vous trouverez d’ailleurs des éléments qui vont dans ce sens, telles que le triangle dont la forme géométrique est emblématique de la Trinité (le Père, le Fils et le Saint-Esprit), l’eau bien évidemment et les chapiteaux qui développent ce sujet à plusieurs endroits. Les trois marches, à la base de la fontaine, devraient aussi vous rappeler l’immersion qui se pratiquait à une certaine époque pour ce rituel et qui nécessitait de descendre dans les bassins. Continuons la visite, si vous le voulez bien…
— Qu’en est-il réellement ? demandai-je, curieuse, à l’entité.
— Ce ne sont là que des détails insignifiants ! En vérité, ce lieu raconte trois histoires : celle de la Genèse, celle de la naissance du Christ et le chemin spirituel des hommes qui devaient investir ce lieu. Où que vous regardiez, les maîtres-mots sont l’Unité, la Trinité et la Manifestation. Vous connaissez leur forme et leur nombre respectifs : le point qui devient cercle — le zéro puis le un —, le triangle avec le chiffre trois et enfin le quatre du carré. Nous pouvons leur associer de la même façon le Père, le Fils et la Vierge. Quels que soient leurs noms ou leurs représentations, ils sont Amour et indissociables.
Je portai un regard neuf autour de moi et pris conscience du carré dans la base des colonnes, de la rondeur des piliers et du triangle des chapiteaux.
— Pour comprendre toute l’allégorie de cette architecture, vous devez intégrer les messages inhérents aux différentes formes. Tout d’abord, le point, infiniment petit et invisible, est pourtant fondamental, car il est à l’origine du Monde. Il illustre la volonté divine qui précède à la formation du cercle, symbole de naissance, du commencement préalable au déploiement du Tout. En étant cette volonté créatrice ET son résultat, le rond s’apparente ainsi à Dieu. Il contient toutes les potentialités. Seule l’Unité existe, sans début ni fin.
— Et d’après le guide, le triangle fait référence à la Trinité…
— Sur ce point, il a raison, mais avant de vous en parler, vous devez savoir que l’Éternel enfanta l’homme et la femme, de sexe opposé. Ce faisant, le chiffre « deux » annonça la séparation, l’Absolu devenant relatif : pas de chaud, sans froid ; pas de vide, sans matière ; pas de lumière, sans ténèbres…
— Je saisis.
— Le triangle ramène l’équilibre et la sagesse en englobant la dualité du monde manifesté tout en la dépassant. Il réunit ainsi les contraires qui peuvent alors donner naissance à un être nouveau, dans la Paix et l’Amour. C’est le Christ incarné. Enfin, le carré est la représentation du monde terrestre et par ricochet du corps humain. C’est ainsi que vous retrouvez les quatre éléments, les quatre directions, les quatre vertus cardinales… Il protège du chaos et des menaces extérieures. Il est le symbole de l’univers créé, manifesté et visible : il reçoit la Lumière et il la matérialise. C’est le rôle de Marie. Maintenant que vous disposez de tous ces éléments, voulez-vous que je vous raconte l’histoire de la Genèse ?
— S’il vous plait, acquiesçai-je avec empressement.
— Au commencement, Dieu forma la Terre et le Ciel : ce petit cloître carré constitué de pierre qui laisse poindre les nuages. Il demanda ensuite « Que la Lumière soit ». Lorsque l’aube apparut, Il sépara les eaux de la terre ferme qui furent recueillies dans cette vasque ronde. Puis le lendemain, Il conçut les végétaux, d’où la forme très particulière, au centre du bassin, de cette tige en forme de palmier ornée de cannelures en zigzags. Vint alors la troisième aurore, celle où le temps prit naissance en éclairant la colonnette végétale qui se transforma en cadran solaire. Les vingt-quatre piliers autour marquent les heures et les chapiteaux des colonnes d’angle illustrent les activités agropastorales des douze mois de l’année.
— Le quatrième jour, Il accoucha des poissons et des oiseaux, que je retrouve gravés, dans ce coin, pour peupler la mer et le ciel, murmurai-je.
— Vous êtes observatrice. À la fin des deux journées suivantes, Il avait mis au monde les animaux et les hommes, que vous apercevez au sommet du bourgeon qui couronnent le bassin : des danseurs et des musiciens supportent les douze goulottes en forme de lions et de visages. À la suite de quoi, Il se reposa une journée entière. Le lendemain, Il insuffla le souffle de vie à l’homme grâce à l’eau qui s’écoule en continu de la fontaine. La base octogonale au pied de la source fait référence à ces huit jours. L’histoire se poursuit à l’est dans le grand cloître où Il « planta un jardin en Éden à l’Orient ». Il y fit pousser « toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ». Vous les avez sous les yeux : un palmier dattier, un olivier, un grenadier et un figuier.
— Et au centre, se trouve l’arbre de vie, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, repris-je.
— Exact, c’est un Cycas revoluta, de la famille des fougères-palmiers, dont il ne faut pas manger les fruits ! Dieu créa aussi un « fleuve qui sortait d’Eden » pour irriguer le jardin et « se divisait en quatre bras » qui forment les allées que vous parcourez actuellement.
— Je n’aurai jamais imaginé tout cela en venant ici. Et qu’en est-il de la naissance de Jésus ?
— Rappelez-vous le cercle, source sans fin et à laquelle tout retourne, qui représente Un-le-Tout, le Père et le Fils de lui-même. Dans ce même esprit, Fontana del Re fait référence au Roi des rois, le Christ, mais également à Rê, le Dieu solaire égyptien provenant de l’Empire byzantin. L’eau, semence de toute vie, est accueillie dans le ventre de Marie symbolisée par ce petit cloître. Le plus grand, souvenez-vous, représente le corps humain de la Vierge, au cœur duquel l’arbre de vie réside.
— Et la troisième histoire, celle de la spiritualité des hommes, se résume-t-elle aux scènes sur les chapiteaux ?
— En cheminant le long de ces galeries, les bénédictins étaient invités à se remémorer les textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais la connaissance sans la sagesse est dangereuse. La longueur de quarante-sept mètres est donc très importante, ainsi que ces duos de colonnes personnifiant l’homme et la femme : le quatre, l’être humain, additionné du trois, la Trinité, doit mener au sept qui est le couronnement final qui s’effectue en présence de Dieu.
— Vos connaissances sont impressionnantes.
— Je les tiens d’une femme. Dès que je l’ai vue, je suis tombé amoureux de sa beauté, mais surtout de son intelligence. Monica conseillait le Maître bâtisseur. J’espérais que, malgré nos différences sociales, elle accepterait de partager ma vie. Le jour où j’eus le courage de lui avouer ma flamme, elle m’a indiqué de suivre la voie de Dieu. J’ai soudainement compris que son cœur était pris et qu’elle me recommandait de me consacrer pleinement aux ouvrages honorant le Grand Architecte.
— Vous êtes Fabricien ! dis-je, à la fois surprise et excitée de la nouvelle. Venez, lui ordonnai-je en l’entraînant dans ma course vers la nef.
Je retrouvai rapidement l’âme qui m’avait confié sa peine. Il se passa alors quelque chose de magique : les deux entités tourbillonnèrent puis fusionnèrent. Gabriel et Michel, les deux archanges entourant Marie et l’Enfant Jésus dans l’abside centrale, les guidèrent jusqu’au Christ, dont la lumière dorée était devenue éblouissante. Je reçus un flot d’Amour inconditionnel et infini qui me fit tomber en grâce et pleurer de joie.
Je pris conscience que ce lieu n’aurait pu être aussi grandiose et porteur de spiritualité si les deux soupirants s’étaient unis, car ipso facto, l’architecte n’aurait bénéficié ni des conseils avisés de la jeune femme ni du talent indéniable de l’artisan. Je n’aurai pas eu non plus cette incroyable chance d’expérimenter mon premier « passage d’âmes » et de mener, par la suite, d’autres entités perdues vers cette dimension que certains appellent le Paradis.
Les voies du Seigneur sont impénétrables, mais elles ont toutes leurs raisons d’être…
Sophie Herrault – 09/2023
Audio
Projet en cours
WOW ! ! ! Peu importe le résultat de ce concours, ce qui compte c’est l’écriture de cette nouvelle, et son partage. Magnifique ouvrage ! J’ai été séduite dès les premiers mots par cette idée de « passeuse d’âme », et quel aboutissement : magnifique ! Je reconnais dans cette nouvelle la même aptitude que celle de tes romans : la transmission d’un enseignement « enveloppé » dans un imaginaire qui l’agrémente sans le dénaturer de sa vocation originelle. Et ça c’est champion !! BRAVO.
Merci Sylvie pour ton message. Je prévois de participer à d’autres concours de nouvelles, histoire (haha !) de me continuer les défis littéraires et d’aller explorer mes zones d’inconfort dans l’écriture. 🙂